Oubliez tous les aspects du Pont de Brooklyn, sa belle architecture, sa forme emblématique et le fait qu'il ait permis de relier Brooklyn à Manhattan. Oui, ce pont est un des plus anciens ponts suspendus des Etats-Unis dont la construction a marqué l'histoire.
Pour la ville, l'importance du pont repose sur des histoires et anecdotes qu'il a suscitées. En voici deux.
En 1886, Brodie devient ami avec un barman appelé Chuck Connors, un célèbre arnaqueur qui avait trouvé le moyen de faire payer les touristes pour des visites de la ville en l'écoutant raconter de flagrants mensonges sur l'histoire de New York. Il incluait même une visite d'une fumerie d'opium.
Mais ce que Brodie allait proposer à Connors était bien plus spectaculaire : il allait se jeter du pont en son point le plus haut et atterrir dans l'East River plus de 40 mètres plus bas. S'il s'en sortait en vie, Connors devrait alors lui payer 200$ (environ 5 000$ aujourd'hui).
Connors accepte sans hésiter et réalisant la grandeur du deal, il demande à ce que des témoins assistent à la scène du bord du fleuve. Et, loin d'être bête, il appelle aussi un journaliste de The New York Times pour se faire une bonne publicité.
Le jour venu, le 23 juillet 1886, ils regardent tous bouche bée Brodie embrasser sa femme puis se rendre sur le pont et disparaître petit à petit avec la distance. Il réapparaît quelques minutes plus tard au milieu du pont et sans beaucoup d'hésitation, il se jette dans le vide.
Alors, le regard de Connors et des témoins se fixe sur l'eau de l'East River qui restait alors sans aucun mouvement. Tout le monde pensent alors que Brodie est mort, jusqu'à ce qu'il réapparaisse au bord de l'eau, blessé soit disant à la jambe et étourdi. Il avait gagné son pari !
Après une telle victoire, les 200$ ne représentaient qu'une petite partie de l'histoire. Avec toutes les personnes ayant assisté à son saut, c'est tout New York qui allait être au courant de son exploit. Steven Brodie allait devenir le premier héro de New York.
Des posters le représentant sont collés aux murs (vous pourrez en voir un à la Library of Congress, avec pour légende : "Champion Bridge Jumper of the World") et des expressions familières utilisant son nom entrent alors dans le vocabulaire familier ("to take a Brodie" pour dire " tenter sa chance" par exemple). Il devient riche en ouvrant son propre saloon près de Grand Street. Il est une idole à New York.
Quelques années plus tard, New York apprend qu'il n'a en réalité jamais sauté du pont de Brooklyn. Il avait brillamment arnaquer le plus grand arnaqueur de la ville en payant ses propres amis pour être les témoins de la scène. Ces derniers s'étaint donc contenter de jeter du pont un mannequin pendant que lui, se rendant en barque au bord de l'East River pour y apparaître au bon moment alors que son mannequin coulait au fond de l'eau.
Quelle vue impressionnante du Pont de Brooklyn allaient pouvoir voir les immigrants du XXème siècle ! Alors qu'ils arriveraient sur une terre nouvelle pleine d'espérance, ils allaient être accueilli par le plus grand pont jamais construit par l'homme à cette époque et ils allaient alors croire que tout pouvait effectivement être possible dans ce pays.
George C. Parker savait quoi faire avec cette croyance.
Parker était un des arnaqueurs des plus inspirés et sans remord de toute l'histoire des Etats-Unis. Comme beaucoup d'autres l'ont fait les années suivantes, il avait compris que la clé de sa "profession" était que plus ses mensonges étaient gros et invraisemblables, plus ses arnaques marcheraient.
Et George C. Parker aimait vendre le Pont de Brooklyn. A tout le monde. Au moins deux fois par semaine. Il avait en sa possession des documents apparemment officiels qui allaient faire croire à des gens crédules (bien souvent de nouveaux immigrants) qu'il était le propriétaire du pont. Annonçant une série de circonstances pour lesquelles il devait se séparer de son bien, il réussissait à vendre le pont.
La police devait alors régulièrement expulser de nombreux soi-disant propriétaires du pont pour les prévenir de l'arnaque et leur demander de retirer leurs barrières en bois installées sur "leur" pont avant que des voitures ne les défoncent.
Tout comme avec l'histoire du saut de Steven Brodie, des expressions populaires ont vu le jour en référence au personnage ayant marqué l'histoire du pont : "Don't buy the Brooklyn bridge" et "I've got a bridge to sell you" ("N'achetez pas le Pont de Brooklyn" ou " J'ai un pont à te vendre"), synonyme de naïveté. La parfaite technique de Parker lui permit aussi de "vendre" d'autre grands monuments de New York comme Grant's tomb et la Statue de la Liberté.
Parker finit par être arrêté et condamné à vie à la prison de Sing Sing, New York.