Mulberry's ne vend plus de Negroni. A son âge d'or, dans les années1940-1950, ce bar alors appelé Joe's ne servait quasiment que cette boisson typique italienne aux plus de 10 000 Italiens ou Italiens-Américains vivant dans Little Italy, New York. Maintenant que le dernier recensement n'en dénombre plus que 2000, les choses ont bien sûr changées.
Little Italy a été encensée par Hollywood dans des dizaines de films mais les New-Yorkais savent que cela fait bien longtemps que ce quartier n'est plus ce qu'il était.
Autrefois, les bars comme Mulberry's étaient un point de rendez-vous pour les habitants du quartier, mais aujourd'hui, il ne reste que les souvenirs des résidents et les légendes contées de génération en génération.
Des rues formant le quartier de Little Italy, il n'en reste que les apparences. Il est pratiquement impossible de trouver des Italiens dans les restaurants comme La Mela ou Il Palazzo. Même dans des établissements aussi célèbres que Ferrara Caffé ou Caffé Roma, les employés sont Espagnols.
Tout a changé à partir des années 1960 quand une famille chinoise a traversé Canal Street (considéré à l'époque comme la frontière) près de Chinatown afin d'ouvrir un magasin de smoking sur Elisabeth Street.
A la suite de cela, si vous demandez aux résidents, ils vous diront que la transformation de Little Italy a été fulgurante. Les Chinois ont commencé à occuper divers édifices, les Italiens allant davantage vers Brooklyn et Queens, toujours à la recherche de l'"American Dream". De Little Italy il ne restait alors que les plans et la Bleecker street, que les habitants de Little Italy n'avaient jamais vraiment considéré comme faisant partie du quartier.
Ainsi, la présence de la mafia italienne a perdu de son importance petit à petit et Rudolph Giuliani est arrivé au pouvoir et a fait du quartier un endroit sûr.
Et tout cela a ouvert la voie aux touristes venant voir notamment les rues où Robert DeNiro et Harvey Keitel ont appris les ficelles du métier de gangster dans des films comme Mean Streets de Martin Scorsese.
Mais même si leur présence était destinée à transformer le quartier, les choses avaient déjà bien changées. Il n'y avaient plus de familles gouvernant le quartier sur un modèle conservateur. Au fur et à mesure des années 1970 et 1980, Il n'était plus possible de faire se marier un Italien avec une Italienne : les gens tombaient amoureux de personnes blanches, noires, asiatiques, etc. Little Italy perdait alors de ses Italiens 100%.
Il reste cependant dans divers établissements, tel Mulberry's, des traces du passé comme dans les films de gangsters : vitres teintées, sol en mosaïques, photos de Frank Sinatra et autres Italiens-Américains célèbres (par exemple Madonna qui y a d'ailleurs tourné un de ses premiers clips). Et puis, vous rencontrer le serveur d'une vingtaine d'années, Larry Gagliardotto : physique d'Italien et yeux bridés d'asiatique et vous réalisez que le progrès a pris le dessus.
Chaque jour, Little Italy à New York devient de plus en plus "Littler Italy".